LES CAPETIENS
LOUIS IX, CHEF D'ETAT
LE TRAITE DE PARIS RECONCILIE LA FRANCE ET L'ANGLETERRE
(4 décembre 1259)
Le 4 décembre 1259, malgré la désapprobation de leur entourage respectif, Louis IX et Henry III d'Angleterre ratifient le traité de Paris. Cet accord met un terme au conflit territorial qui oppose les deux royaumes depuis plus de cinquante ans. Le roi justicier et son beau-frère substituent l'esprit de famille à la raison du plus fort.
En 1259, Louis IX souhaite mettre un terme au conflit territorial qui oppose la France et
l'Angleterre depuis le début du siècle. En 1203, le roi de France Philippe
Auguste, profitant de la confusion qui a suivi la prise du pouvoir par Jean Sans
Terre en Angleterre, est entré en Normandie et en Touraine. L'année suivante,
il a conquis l'Aquitaine et une partie de la Bretagne, et la cour des Pairs a
condamné le tyrannique souverain anglais à la perte de ses fiefs continentaux.
Une décennie plus tard, la victoire de Bouvines, en 1214, et la trêve de
Chinon sont venues conforter Philippe Auguste qui, renonçant à l'Aquitaine, a
récupéré officiellement l'Anjou, la Touraine, le Maine et le Poitou.
Quelques quarante cinq ans plus tard, les relations de Louis IX, le petit-fils de Philippe
Auguste, avec Henry III, le fils de Jean Sans Terre, sont plus pacifiques, et le
Capétien veut en profiter pour dénouer à l'amiable l'imbroglio qui assombrit
les rapports franco-anglais.
Louis IX a maintes raisons politiques de chercher un arrangement avec Henry III. Mais ce sont les
arguments familiaux qu'il met en exergue pour justifier son geste d'apaisement.
Les deux rois sont beaux-frères. Ils ont épousé les soeurs Eléonore et
Marguerite de Provence. Leurs enfants sont donc cousins germains et, à ce
titre, se doivent "bon amour". L'esprit de famille doit l'emporter sur
l'appétit de pouvoir. Enfin, Louis IX, éminemment épris de justice, comprend
mal que le fils, Henry III, continue à payer pour les fautes du père,
Jean Sans Terre. Pour le roi de France, la pénitence du souverain félon aurait
dû s'éteindre à sa mort, en 1216, et Henry III n'a pas à porter le fardeau
de ses crimes.
Au printemps 1259, en dépit de nombreuses oppositions, Louis IX ouvre
finalement les négociations. Celles-ci sont menées du côté français par
l'archevêque de Rouen, Eudes Rigaud, et du côté anglais par le comte de
Leicester, Simon de Montfort. Le traité est signé à Paris le 28 mai. Quelques
mois plus tard, le 4 décembre, Louis IX et Henry III ratifient officiellement
l'accord.
Les clauses du traité de Paris apparaissent d'emblée très favorables au roi
d'Angleterre, à qui Louis IX rétrocède une partie des avantages acquis sous
le règne de Philippe Auguste. L'accord inféode au souverain anglais tout ce
que le roi de France tient en domaine ou en fief dans le Périgord, le Limousin
et le Quercy. L'Agenais et la Saintonge jusqu'à la Charente lui reviendront si
Alphonse de Poitiers, le frère du roi, qui a reçu ces terres en apanage, meurt
sans laisser d'héritier. En revanche, Henry III abandonne toute prétention sur
la Normandie, l'Anjou, la Touraine, le Poitou et le Maine, et reprend à titre
de vassal soumis à l'hommage lige tout le reste de l'ancien domaine de Jean
Sans Terre, notamment la Guyenne.
Le traité de Paris est sévèrement jugé tant en France qu'en Angleterre. Jean de Joinville,
chroniqueur et ami de Louis IX, rapporte la controverse lancée par les barons
français. "Sire, nous nous émerveillons beaucoup
que votre volonté soit telle que vous vouliez donner au roi d'Angleterre une si
grande partie de votre terre que vous et vos devanciers avez conquises et par sa
forfaiture... Si vous croyez que vous y aviez droit vous perdrez tout ce que
vous rendez"
Le roi, convaincu d'avoir enfin réglé une situation lourde de menaces pour la
paix, leur répond : "La terre que je lui donne, je
ne la lui donne pas comme la terre dont je suis tenu à lui ou à ses
héritiers, mais pour mettre amour entre mes enfants et les siens... et ce que
je lui donne, je l'emploie bien, parce qu'il n'était pas mon homme et que par
là il entre en mon hommage...".
Ainsi le traité de Paris (parfois appelé à tort traité d'Abbeville) permet
à Louis IX d'accorder ses sentiments pacifiques avec l'intérêt bien compris
du royaume par la signature d'une véritable paix et l'entrée de la Guyenne
dans la mouvance capétienne. Cependant, le texte sera très différemment
interprété de part et d'autre de la Manche. Et cette divergence de vues sera,
pour partie, à l'origine de la Guerre de Cent Ans.
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