LES CAPETIENS
LOUIS IX, CHEF D'ETAT
La "Mise d'Amiens"
(Juillet 1260 - 24 janvier 1264)

 

LE VERDICT DE LOUIS IX

Le sort de l'Angleterre et de son roi, Henry III, est entre les mains de Louis IX. Officiellement appelé à arbitrer le différend qui oppose son beau-frère Plantagenêt aux barons réformistes d'Outre-Manche, le Capétien a réuni son Conseil à Amiens. Le 24 janvier 1264, il va rendre un verdict catégorique en faveur du respect de l'autorité monarchique. Mais la "mise d'Amiens" se révélera un échec et ne pourra ni mettre un terme à la "guerre des barons" ni restaurer le souverain anglais dans la plénitude de ses pouvoirs.

Pour mettre fin au conflit qui les oppose, et à la guerre civile qui ruine l'Angleterre, le parti du roi Henry III et celui des barons réformistes ont décidé l'un comme l'autre de s'en remettre à l'arbitrage de Louis IX. En décembre 1263, les représentants des deux camps, le souverain anglais et son épouse la reine Aliénor de Provence se sont rendus sur le continent, à Amiens. C'est là que, après avoir entendu les uns et les autres, le Capétien devra rendre son verdict à la mi -écembre. Mais ce n'est que le 24 janvier 1264 qu'il va enfin se prononcer lors de la "mise d'Amiens".

Louis IX doit statuer sur le bien fondé des "Provisions d'Oxford", réformes adoptées en juin 1258 par la Cour et les grands d'Angleterre, qui limitent considérablement le pouvoir du souverain et ont déclenché la "guerre des barons". "Nous constatons qu'à cause des Provisions d'Oxford et de ce qui en est résulté, il y au grand dommage pour le droit et l'honneur du roi, trouble dans le royaume, oppression et pillage des églises, graves pertes pour les autres personnes du royaume, clercs ou laïcs, indigènes ou étrangers, et que l'on peut raisonnablement craindre que ce ne soit pire à l'avenir", proclame l'introduction au procès verbal du jugement.
La décision prise par le Capétien et son Conseil est sans appel, et entièrement favorable à Henry III. "Au nom du Père, du Fils et du Saint Esprit", le roi de France casse et déclare "nulles les dites Provisions et tout ce qui en découle", et décide que le roi d'Angleterre, "les barons et tous les autres qui ont donné leur accord à cet arbitrage, et qui s'étaient en quelque manière engagés à les observer, en sont entièrement libérés". La bulle pontificale d'avril 1261 annulant les Provisions d'Oxford est ainsi ratifiée en précisant que doivent être respectés "les privilèges royaux, les chartes, les libertés, les établissements et les bonnes coutumes du royaume d'Angleterre existant avant ces Provisions". En outre, les manoirs remis par le Plantagenêt à ses vassaux rebelles en guise de caution doivent lui être restitués. Louis IX restaure son beau-frère dans la plénitude de ses droits en ajoutant que celui-ci  doit retrouver la souveraineté dans le choix de ses grands officiers, qu'il pourra nommer à son conseil des étrangers.

Conscient des réactions hostiles que son jugement risque de provoquer parmi les barons rebelles anglais, le roi de France envoie un de ses chevaliers de Terre Sainte, Jean de Valenciennes, auprès de Simon de Montfort, comte de Leicester et chef du parti des réformistes, qu'un accident de cheval a empêché de se déplacer jusque sur le continent. En faisant ratifier la mise d'Amiens par ce dernier, il entend affirmer l'autorité de la royauté et pacifier les relations d'Henry III avec ses vassaux.
Mais Simon de Leicester refuse d'accepter sa défaite et de s'en remettre à une décision qu'il considère comme une annulation pure et simple des Provisions d'Oxford et une "parodie d'arbitrage". Alors que la reprise de la guerre civile semble inéluctable, Louis IX en appelle au pape Urbain IV. Sous ses pressions répétées et celles de la reine Marguerite de Provence, le souverain pontife accepte de nommer comme légat en Angleterre le cardinal évêque de Sabine, qui n'est autre que Guy Faulcois, l'ancien conseiller du Capétien. Mais c'est en vain que le prélat tente à son tour de trouver un compromis qui puisse mettre fin à la "guerre des barons". Déterminés à rester chacun sur ses positions, le parti du Plantagenêt et celui des rebelles sont d'ores et déjà prêts à reprendre les armes.
En restaurant Henry III d'Angleterre, Louis IX a rendu une sentence aussi catégorique que prévisible. Pourtant, son verdict ne sera pas suivi, et la reprise du conflit Outre Manche constituera un sévère échec, qui, paradoxalement, n'entachera aucunement son prestige ni sa réputation de souverain "arbitre de l'Europe".

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