LES CAPETIENS
LOUIS IX, CHEF D'ETAT

 

LA GRANDE ORDONNANCE DE LOUIS IX
(Décembre 1254)

En décembre 1254, Louis IX promulgue la "Grande Ordonnance" destinée à corriger les abus de ses agents dans les provinces. Cette réforme de l'administration locale illustre à la fois son désir pénitentiel et sa volonté de légiférer tant pour le bien de ses sujets que pour le bon fonctionnement de l'Etat en voie de centralisation.

"Que le roi prenne garde de faire si bien justice à son peuple qu'il en conserve l'amour de Dieu. Sinon Dieu lui ôterait le royaume de France". Le propos a toutes les allures d'un avertissement. Il est issu du sermon du franciscain Hugues de Digne (ou de Barjols) que Louis IX entend à Hyères en juillet 1254, lors de son débarquement dans le marquisat de Provence. Le roi est accablé par l'échec de la septième croisade et cette admonestation ne peut que l'inciter encore plus à une réflexion pénitentielle. Sur le trajet le conduisant à la capitale, il traverse ses sénéchaussées du Midi et les domaines de son frère le comte Alphonse de Poitiers. Celui ci, prenant modèle sur la "Grande Enquête" lancée par son aîné en janvier 1247, a fait recenser les abus des agents relevant de son autorité et, dès 1253, a promulgué des ordonnances afin de les corriger. Louis IX a l'occasion de prendre contact avec les conseillers de son cadet, dont la collecte met en évidence les carences et les perversions de l'administration locale.
Sitôt à Paris, début septembre, le roi tire les conséquences de l'ensemble des enquêtes qu'il a fait mener et s'emploie à préparer une ordonnance de réformation. Indice de l'importance qu'il accorde à cette tâche, il est aidé par une équipe de conseillers nombreux et compétents, comme le juriste Gui de Foulquoy, qui a été enquêteur pour le compte d'Alphonse de Poitiers et qui deviendra pape sous le nom de Clément IV.
Promulguée en décembre 1254, la Grande Ordonnance concerne dans un premier temps les provinces du Midi, puis sera étendue à l'ensemble du royaume en 1256.

Ce premier acte d'une réforme en profondeur de l'administration royale comporte 38 articles et a pour objet de mettre fin aux abus commis par ls agents du roi, en particulier par les baillis (appelés sénéchaux dans le Midi) qui ont un triple rôle : maintien de l'ordre, perception des impôts et justice.
Désormais, les baillis, en tant que juges d'appel, ne pourront plus décider seuls, mais s'entoureront d'assesseurs. Afin de garantir leur impartialité, il leur est interdit d'accepter des cadeaux des justiciables, à l'exception des dons de pain, de vin ou de fruits, à condition que leur valeur soit inférieure à dix sous. De même, ils ne peuvent offrir quoi que ce soit aux auditeurs des comptes ou aux enquêteurs chargés de contrôler leur gestion. Ils ne doivent rien prélever pour leur usage propre sur les revenus royaux dont ils ont la charge. Ayant le droit de prohiber les exportations de denrées pour empêcher les disettes, ils pouvaient être tentés de prescrire de telles prohibitions pour faire ensuite le commerce des licences d'importation, ce qui leur est désormais interdit. Ils ne sont plus autorisés à se constituer une fortune foncière dans leur circonscription, ni à y établir leurs enfants par mariage ou par obtention d'un bénéfice ecclésiastique. Enfin, au terme de leur exercice, les baillis seront soumis à enquête et resteront quarante jours dans leur circonscription, au cas où leur administration serait mise en cause.

Outre la réforme de l'administration locale, la Grande Ordonnance édicte une série de mesures en faveur de la moralité publique, contre l'usure, le blasphème et la prostitution, illustrant les préoccupations morales et chrétiennes du roi. Les baillis et leurs subalternes, ayant pour mission de combattre l'ivrognerie, les jeux d'argent et la prostitution, devront montrer l'exemple en ne fréquentant plus les tavernes ni les filles de joie, en ne jouant plus aux dés, dont la fabrication est interdite, ni aux échecs. Les directives de l'ordonnance ne concernent pas les seuls agents du roi et prévoient que les femmes de mauvaise vie seront chassées des maisons les abritant et verront leurs biens confisqués. En outre, "quiconque louera une maison à femme perdue, il rendra au prévôt ou au bailli le loyer de la maison pendant un an". Les officiers royaux, comme leurs administrés, sont tenus d'éviter tout blasphème, de prononcer "nulle parole qui tourne au mépris de Dieu, de Notre Dame et de tous les saints". Par ailleurs, l'ordonnane reprend le contenu d'anciens décrets et renouvelle la condamnation des usuriers juifs.
La Grande Ordonnance ouvrira la voie à une réforme en profondeur de l'administration royale et à une longue série de mesures législatives. En 1256, date à laquelle elle entre en vigueur dans tout le royaume, elle sera prolongée par une ordonnance sur l'administration municipale.

Le plus de la fiche

Page MAJ ou créée le

© cliannaz@free.fr