LES CAPETIENS
LOUIS IX, CHEF D'ETAT

 

L'AUTODAFE DU MONT AIME
(13 mai 1239)

Au royaume du très pieux Saint Louis, la tolérance n'est pas toujours de rigueur... En particulier lorsqu'il s'agit de lutter contre les dissidents de la foi chrétienne orthodoxe, dont les doctrines menacent de saper autant l'autorité de Rome que celle de la monarchie capétienne. Dans les provinces du Nord et de l'Est, Robert le Bougre, l'un des premiers inquisiteurs nommés par le pape Grégoire IX, est sans pitié pour les hérétiques qui refusent de faire "acte de foi". Cent quatre vingt cinq d'entre eux périront dans l'audafé du Mont Aimé, le 13 mai 1239.

Depuis le Xème siècle, l'Occident a été gagné par les idées hérétiques répandues par des sectes originaires d'Asie Mineure et des Balkans. A l'instar des Cathares ou Albigeois, du Midi, dans le Lyonnais, en Rhénanie, en Flandre, en Champagne, des dissidents de l'orthodoxie romaine ont rejeté l'autorité du clergé et de la papauté. Au début du XIIIème siècle, le Saint Siège a mis sur pied l'Inquisition et des tribunaux ecclésiastiques chargés d'instruire les affaires d'hérésie.
Le dominicain Robert le Bougre, l'un des premiers inquisiteurs désignés par le pape Grégoire IX, a pour mission de mener la lutte contre l'hérésie dans tout le nord du royaume de France. Cet ancien parfait cathare, qui dit-on est capable de reconnaître un "mauvais chrétien" au premier coup d'oeil, fait preuve d'un zèle et d'une rigueur qui confinent souvent à la cruauté. A La Charité sur Loire et à Melun, il condamne à être brûlés ou enterrés vivants tous ceux qui lui semblent suspects. Après avoir rendu son impitoyable justice à Douai, en mars 1238, il se rend en Champagne.

Le comte Thibaud IV de Champagne et de Brie n'apprécie guère les méthodes odieuses de Robert le Bougre : l'encouragement à la délation, l'anonymat des témoins à charge, la mise au secret des accusés, l'arrestation des suspects qui ont pour seul tort, comme les marchands italiens, de venir du Midi.
Soutenu par les évêques de Sens et de Reims, le comte de Champagne obtient que l'inquisiteur soit suspendu. Mais dix huit mois plus tard, Rome rétablit Robert le Bougre dans ses fonctions et l'investit d'encore plus de pouvoirs. En 1229, par le traité de Meaux Paris, le comte Raimond VII de Toulouse, entre autres pour s'être montré trop tolérant à l'égard des hérétiques, a dû se soumettre à la monarchie capétienne et au pape.
S'il ne veut pas subir le même sort, et aussi pour se faire pardonner la tièdeur avec laquelle il a pris part à la croisade contre les Albigeois, Thibaud de Champagne sait qu'il est contraint de laisser agir les tribunaux de l'Inquisition comme ils l'entendent.
Au printemps 1239, Robert le Bougre organise une rafle dans tout l'est du royaume. Les suspects d'hérésie, hommes, femmes parfois même vieillards et enfants, sont détenus dans des conditions atroces. Soumis à la torture, ils passent pour la plupart aux "aveux". Cependant, 185 d'entre eux refusent de renier leurs convictions : ceux-là sont condamnés à périr par le feu purificateur.

L'inquisiteur choisit comme lieu du sacrifice le sommet du Mont Aimé, censé être depuis deux siècles le haut lieu de l'hérésie champenoise et où, vers l'an mille, un certain Leutard aurait convaincu les habitants du village de Vertus de détruire la croix de leur église. Mais s'ils prononcent les sentences, les clercs ne peuvent prendre des vies humaines, aussi l'exécution des peines est-elle du ressort du pouvoir laïc. Le comte Thibaud est donc dans l'obligation de présider à l'autodafé du Mont Aimé.
Le 13 mai, des milliers de curieux venus assister à la sinistre cérémonie se pressent au pied de la colline où plusieurs bûchers ont été dressés. Les hérétiques sont de nouveau invités à faire "acte de foi", à renoncer à leurs convictions et à revenir à la foi orthodoxe. Dignement ils refusent. Puis, tandis que la colline se transforme en un immense brasier, la foule entonne le Veni Creator pour couvrir les cris des suppliciés.
L'autodafé du Mont Aimé marque profondément les esprits. Devant la réprobation quasi-générale, une enquête est ouverte sur les agissements de Robert le Bougre, qui sera déclaré fou et condamné à la détention perpétuelle.

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